Après les officiers de la Première Guerre mondiale et les dessous du FBI, Marc Dugain place son dernier roman à trois étapes de la Russie contemporaine : les années 50, la fin des années 80, et la tragédie du Koursk.
Son objectif est de lier le destin d'une famille à celui du Président Poutine, qu'il ne nomme pourtant pas. En gros, il veut nous expliquer que Poutine est et restera un agent du KGB, dont les décisions sont basées sur le prisme idéologique soviétique de création incessante d'un ennemi. L'idée est bonne, même si elle n'est pas de la première fraîcheur. J'ai un peu eu l'impression de lire un livre me 'révélant' que Bush avait trafiqué les infos sur Saddam pour jusitifier sa guerre. Ben, ouais, on est au courant mon vieux. Mais ici, ça reste intéressant, parce que l'auteur passe un peu de temps sur la formation est-allemande du jeune agent, qui blinde ses convictions et son ardeur à servir le drapeau. Il apparaît comme une espèce de machine idéologique à lui tout seul, prêt à déroger à tout sauf à deux trois principes fondamentaux: supériorité de l'URSS d'abord, intégrité territoriale de la Russie ensuite : à propos de la Tchétchénie, dont tout le monde se fout sauf lui, et aujourd'hui de l'Ossétie ou de l'Abkhazie, même remarque.
La frénésie sécuritaire du Président atteint son paroxysme lors du naufrage du Koursk, dont il refuse le sauvetage par des navires étrangers, au nom du secret-défense, et au prix de la vie de ses hommes. La paranoïa de l'ancien hitman KGB est à pleurer, surtout quand on sait que c'est très probablement la vérité de ce qui c'est passé en Mer de Barents. Marc Dugain, ne l'oublions pas, est un romancier, et il place des personnages au fond de ce sous-marin, isolés comme on ne peut pas plus l'être, fraternels comme des marins, au courant des détournements de pièces de rechange, des approximations de la maintenance du navire, mais confiants tout de même dans la patrie. Et il explique avec assez de détails comment certains marins auraient pu être expulsés du submersible, et comment ils savaient, dans la salle des torpilles scellés, rien qu'au bruit, que tous les autres devaient être déjà morts... tout cela est d'une intensité incroyable, j'en frisonne encore.