Toutes les critiques

jeudi 20 mars 2008

RAMBAUD Patrick, Chroniques du Règne de Nicolas 1er, 2008

L’anachronisme est drôle. Les films des Monty Python restent aux yeux de ce chroniqueur parmi les meilleurs moments de comédie en 113 ans de cinéma. Ce livre est une merveille d’anachronismes, et lire les événements des quelques mois juste écoulés à la manière d’une farce populaire du XVIIème vous procurera cette impression douce que l’on ressent quand on écoute, à dessein, un vieux Dylan craquelant sur le dernier iPod, ou la copie VHS de Retour vers le Futur en VF sur une immense télé HD (où, à l’inverse, et je parle d’expérience, le plaisir de s’envoyer une copie remasterisée de l’Empire Contre-Attaque en Edition Spéciale sur l’écran amovible d’un cinoche ambulant projetant en son mono dans les salles polyvalentes des stations de montagne).

Patrick Rambaud, bourreau de travail littéraire, s’en prend au bourreau de travail de la politique – ou de la communication, comme vous voudrez. Tailler Nicolas Sarkozy n’est pas difficile, même si à l’heure où j’écris ces lignes, c’est devenu une sorte de sport national – en même temps, on ne met plus de buts ni d’essais, donc tous les nouveaux sports nationaux sont bon à prendre. Mais je m’égare à nouveau. Rambaud ne peut certainement pas, en tous cas, être taxé de retourneur de veste, comme tous les éditorialistes qui semblent avoir découvert le mois dernier les imperfections de leur star de 2007. Rambaud sait qu’il a tout le matériel pour tailler menu notre Président, et il s’en donne à cœur joie. Tellement qu’au bout de quelques dizaines de pages, on commence à s’essouffler. Certaines critiques sont magnifiques et criantes de vérité et de drôlerie : ma palme va à Guaino puisant dans Tintin au Congo pour écrire le discours de Dakar. J’en souris encore. Mais parfois on se demande si l’auteur utilise les bons arguments pour tailler. A plusieurs reprises, il exprime clairement sa préférence pour Mitterrand comme grand homme d’Etat super classe, bon, la plupart d’entre nous, plus ou moins électeur socialistes, en sont un peu revenus, non ? (Ok, je n’ai pas dit les socialistes, eux non, j’ai dit leurs plus ou moins électeurs). J’ai eu à plusieurs reprises l’impression qu’il se trompait de cible. Je me fais toujours tailler par mes amis de gauche – rassurez-vous, il m’en reste– quand je réaffirme que Bernard Kouchner est l’un des 5 plus grands personnages de la Cinquième (avec Moati). Mais je comprends qu’on puisse le tailler d’aller rejoindre Sarkozy, même si je trouve ça moins étonnant pour lui que pour, par exemple, Simone Veil. (Honnêtement, je la juge plus lointaine idéologiquement de Sarkozy, et je ne comprends toujours pas comment elle a pu se rouler dans la boue pour lui – mais comme elle fait partie aussi des 5 susmentionnés, je la pardonne). Rambaud démonte salement Jack Lang pendant plusieurs pages, avec une grande cruauté, parce qu’il a accepté de faire partie de la Commission pour la révision de la Constitution. Je trouve cette attaque infondée : que n’aurait-on dit si aucun homme de gauche n’avait siégé dans cette (grosse) commission ? Pourquoi alors ne pas tailler Olivier Duhamel, qui a longtemps clamé ses préférences constitutionnelles, pour les taire au moment de la rédaction du rapport? Pourquoi ne pas plutôt écorcher à plates coutures Fadela Amara, qui, aux yeux de votre chroniqueur dévoué est, mais alors de très très loin, la plus méritante de notre mépris le plus complet, elle qui, sans vergogne aucune, a joyeusement remplacé les « ni, ni » de Ni pute, Ni soumise, par un assumé « à la fois, et aussi » ? J’aurais commencé par elle.

Bon exercice, original, peut-être un poil creux et souvent à la limite du facile, mais une critique motivée et intelligente de ce début de quinquennat cependant ; et, pour ma part, je l’attendais depuis des mois.

Aucun commentaire: