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samedi 24 novembre 2007

McINERNEY Jay, Bright Lights, Big City, 1984

Bright Lights, Big City est un livre qui paraît faussement simple, parfois léger voire superficiel, et en vrai, vous vous en doutez, pas du tout. Je vais essayer de m'expliquer (c'est pour ça que vous me lisez, non? ). C'est un livres dont vous êtes le héros. Mais non, revenez, ce n'est pas une histoire avec des elfes et des archers magiques édité chez Folio Junior que votre tante vous a acheté pour vos 11 ans en pensant vous faire plaisir, et que vous avez réouvert vers Noël 2001 après avoir vu Lords of The Rings et même là vous vous ètes dit que c'est vraiment pourri les livres dont vous ètes le héros. Non, ce que je veux dire, c'est que le narrateur emploie "You" pour parler du personnage, et c'est assez destabilisant. C'est d'ailleurs le seul livre que je connaisse qui soit écrit de cette façon, à part la deuxième partie de 99F mais que je subbodore justement être un hommage à ce livre-ci. Genre : "You met her in Kansas City, where you had gone to work as a reporter after college". En fait, vous, non, vous lisez, et Dieu vous garde vous n'ètes jamais allé à Kansas City, mais le personnage, lui, si, et pourtant c'est à "vous" que le narrateur s'addresse. Pourquoi ? Pour effacer l'impression que le narrateur, ou l'auteur derrière lui, parle en fait de lui-même ? Trop facile comme explication. Tout expliquer par "en vrai c'est autobiographique", me paraît dangereux, et souvent très à côté de la plaque. C'est aussi un peu l'argument facile quand on est trop flemme pour aller plus loin. Genre : "le personnage dans A La Recherche du Temps Perdu, ben en fait, clac, c'est Proust lui-même", vous dit tout fier de lui quelqu'un de votre connaissance, avec ce petit air énervant de "Tu ne sais pas tout, mais moi, je suis dans la confidence", vous savez, cet air sûr de lui qui vous regarde de haut, style : "mais tout ça c'est magouille et compagnie, ça vient d'en haut, ils se font élire pour s'en mettre plein les poches, et ça se sait, sur la place de Paris, que François et Ségolène vivaient séparés depuis des années, tu n'étais pas au courant ? " Bon, ben "clac" rien du tout, les connards comme ceux-ci m'emmerdent, désolé de ne pas savoir ce que tout le monde sait "sur la place de Paris" (et que vous avez très probablement appris hier soir d'un gars énervant comme vous-même, pour essayer si fort de me faire croire que vous savez depuis longtemps), mais Proust n'est pas, mais pas du tout, son narrateur, et McInerney est beaucoup trop intelligent pour juste essayer de cacher qu'il est son personnage.

Ce personnage, vous donc, est une allégorie du mal-être new-yorkais des années 80. Le personnage s'est fait plaquer, mais bien, perd son job, se rue sur la drogue et l'alcool pour essayer de se rattraper aux branches, et est très, très triste derrière sa facade de clubber. Les bright lights aveuglent pour faire oublier la solitude abyssale de ce pauvre homme, très attachant, très cultivé, mais sérieusement à côté de ses pompes. La peine que vous ressentirez pour lui se mèlera à une envie malsaine de savoir s'il peut encore tomber plus bas, vous verrez.

Très connu me dit-on, ce livre a fait l'objet d'une adaptation, que j'ai beaucoup de mal a trouver ailleurs que sur Amazon UK en qui je n'ai plus confiance depuis une histoire que je vous raconterai une autre fois, car elle concerne un livre pas encore analysé ici, puis que pas encore lu, puisque pas encore arrivé par la poste à cause de ces boulets d'Amazon UK (ah mince, je crois bien que je vous ai raconté l'histoire, en fait). Bon. Dans le film, il y a Michael J. Fox (oui oui, de Doc Hollywood), Kiefer Sutherland (oui, oui, de Flatliners) et Phoebe Cates (elle, vous la connaissez tous, elle était dans Gremlins). Trois bonnes raisons de me l'envoyer, ou en l'occurence de me le faire envoyer, même si, en principe, je ne suis pas fan-fan des adaptations, je vous en ai déjà parlé. A voir le nombre de scénaristes qui manifestent sur Hollywood Boulevard ils m'ont l'air assez nombreux pour écrire des histoires originales plutôt que d'adapter des livres. En plus, en incarnant le personnage en Michael J. Fox, le réalisateur a forcément dû perdre le "You" de narration, ce qui est bien dommage. Comme, d'ailleurs, Raoul Ruiz a perdu le "Je" de narration en mettant un acteur dans son adaptation du Temps Retrouvé, et en plus il a pris un acteur physiquement ressemblant à Proust, ce qui, je le répète, est une erreur grossière... C'est à cause d'eux que l'autre jour je me suis entendu dire "Non, mais j'ai pas besoin de lire le livre, j'ai vu le film, donc je connais l'histoire!" Ben voyons...

Bright Lights, Big City me paraît le livre qui devait être super trendy en 1984, et qui aujourd'hui est une ode à une époque un peu folle, une ville complètement dopée, liées entre elles dans le souvenir des uns, l'imaginaire des autres, le mélange pour notre pauvre personnage, qui a du mal à différencier les deux, et, en ce sens, est pour moi représentatif d'un état d'esprit révolu. Le New-York golden boy yuppie est mort avec la Guerre du Golfe, les années 80 n'existent malheureusement plus; et moi, pour qui elles représentaient plus Récré A2 que des soirées coke au Harvard Club ou au Tunnel, je remercie les livres comme celui-ci de m'y replacer.

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