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lundi 19 novembre 2007

VONNEGUT Kurt, Slaughterhouse 5, 1969

Je continue dans ma collection : "Chefs d'oeuvre de la littérature inconnus de moi jusqu'à très récemment à cause de l'ethno-centrisme des programmes de l'Education Nationale française". Et je vous préviens, c'est pas fini.

J'ai découvert Kurt Vonnegut de façon très bète, en me baladant dans les rayons du magasin WHSmith de la rue de Rivoli à Paris. Je sais, je sais, je suis un gros vendu à la Corporate Machine, WHSmith appartient à HMV, à Paris ils se la ramènent escalier en bois et livres rares alors qu'en Angleterre ils vendent des cartes d'anniversaire, comme à peu près tout le monde. (Question : combien de cartes d'anniversaire, et autres, sont écoulées en Grande-Bretagne en un an ? Ca doit être énorme). Je sais, aussi, qu'il y a d'autres adresses à Paris, indépendantes, pour acheter des livres en anglais (je recommande Village Voice rue Princesse). Bref, trop cher à WHSmith (seul lieu sur Terre où £7.99 = 15.99 €). Donc je laisse rouler un ou deux mois, je découvre dans le Hornby qui a été à l'origine de ce blog qu'il considère Vonnegut comme un maître absolu et qu'il est pris d'émoi au seul souvenir que le grand Kurt lui ait taxé une clope lors d'une boum sur une terrasse new-yorkaise dans les années 80. De plus en plus intéressé, je chope ce livre à £3 dans le formidable magasin Fopp de Glasgow dont je vous ai déjà parlé (et qui, ironiquement, a mis la clef sous la porte, et a été racheté par HMV. Je vous promets, j'essaie d'acheter indépendant, mais c'est de plus en plus dur). S'ensuivent deux mois de choses et d'autres, Salinger, des magazines (ce temps qu'on perd à lire des magazines), beaucoup trop de temps perdu à facebooker, et enfin, hier, j'ouvre Slaughterhouse 5.

Et là : Enorme claque dans la face. Mais un peu Grossebaf dans Astérix et les Normands, comme claque. Je suis encore chancelant.

Slaughterhouse 5 est l'une de mes plus grosses émotions littéraires de ces dernières années (je sais, je vous ai déjà fait le coup dix fois, mais continuez à me croire, par pitié). Slaughterhouse 5 est à l'antimilitarisme ce que Proust est à l'amour et l'introspection du passé; ce que Le Parrain est au film de Mafia, ce que ma Ford Escort 'Girl' était à l'idéal de voiture. L'Absolu. L'Inénarable. L'Indiscutable.

J'ai appris deux choses sur Wikipedia ce matin : 1/ Vonnegut est mort cette année, ce qui est pour moi à présent une tristesse, surtout après, enfin avant Norman Mailer la semaine dernière, et 2/ Slaughterhouse 5 est basé sur la propre expérience de l'auteur. Je m'explique.

Le livre parle de la destruction de Dresde, épisode méconnu du mois de février 1945, quand les Alliés bombardaient tout ce qui bougeait afin de terminer la guerre en Europe vite fait. Dresde, c'est un peu la collection automne-hiver si Hiroshima est la collection printemps-été, si vous voulez. 135 000 morts civils en deux jours. Vonnegut, prisonnier de guerre américain, est l'un des 7 boys à en être revenu, chanceux qu'il était d'être caché dans une cave protégée de l'abattoir où il faisait des travaux forcés. Quand il sort de son trou, il est face-à-face avec le plus bel exemple d'extermination rapide de l'histoire mondiale.

C'est le sujet principal de ce bouquin. Le livre, en à peine plus de 150 pages (oui, je sais, je vous ai fait peur avec Proust, hein ?), traite magnifiquement de l'idiotie guerrière humaine, de la nature illogique de l'homme, des ravages cachés de l'expérience de la guerre sur les gens et de la façon dont ils se manifestent bien plus tard, de l'ironie implacable de la mort. Et c'est d'une force éblouissante. A part ces quelques lignes, je n'ai pas de mots assez forts pour vous le recommander. Faites-moi confiance, une fois n'est pas coutume.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

OK je vais m'essayer a ton livre...
Tu me le livres?
Adrien

Louis BERNARD a dit…

Je te le livre, sterling même.

Tristan a dit…

J'aime bien quand tu écris des trucs genre : "Enorme claque dans la face. Mais un peu Grossebaf dans Astérix et les Normands, comme claque."

Louis BERNARD a dit…

Ca t'était un peu dédicacé, à vrai dire.