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samedi 11 août 2007

SMITH Zadie, White Teeth, 2000

Voici probablement le meilleur premier roman que j'ai lu depuis des années. Difficile, un premier roman, beaucoup d'auteurs que je respecte énormément ont commencé bien mais calmement, donnant des indications de où ils iraient, des thèmes qu'ils développeront plus tard, mais sans m'époustoufler comme leurs oeuvres suivantes (Ishiguro, premier roman A Pale View of the Hills, ou John Irving, Setting Free The Bears, sont de bons exemples). Ce permier roman de Smith a été écrit lorsque l'auteure avait 24-25 ans, et il montrent une maturité d'écrivain formidable. En quelques mots, il raconte sur le ton de la comédie l'histoire de deux familles dont le sort a été lié lorsque les pères de famille, alors jeunes garçons, ont combattus ensemble durant la Seconde guerre mondiale. L'un deux, Archie, est un garçon de 17 ans de Brighton, un peu simple mais fondamentalement gentil ('We're here, you know, to protect England : democracy, Sunday roast, that kind of things, aren't we ?'). L'autre, Samad Miah Iqbal a deux ans de plus, et avant de perdre bètement l'usage de la main droite à la guerre était promis à une brillante carrière de scientifique à Delhi. Et de cette rencontre improbable démarre cinquante ans de vie sociale britannique, les incapacités d'accueil, les incapacités d'intégration, l'univers des enfants, des adolescents, des adultes et des retraités, qui ont tous en commun, outre d'être compris incroyablement par Smith, de sembler tous un peu hors de leur époque, de leur monde. Il est difficile pour moi d'expliquer la justesse de ce livre. J'ai dit dans une autre critique que je considérais White Teeth infilmable, et je maintiens. Je ne donnerai qu'un exemple. Samad, 57 ans, tombe amoureux de la prof de musique de ses fils. L'intense débat intérieur qui le tiraille, entre interdiction religieuse, sentiment que c'est pas si grave a vu des moeurs anglaises dans lesquels il est plongé, re-sentiment de culpabilité, puis deal avec Allah, remis en cause à la seconde suivante... tout ça est simplement formidable. Impossible à filmer. Je suis heureux, parfois, quand je lis un livre infilmable. Je me dis que la littérature, même actuelle, garde son petit jardin secret. Tous les auteurs ne sont pas aussi transparents qu'Alexandre Jardin, Dan Brown, Helen Fielding ou Bernard Werber par exemple, et c'est un sentiment rassurant.

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