McEWAN Ian, Atonement, 2001

Atonement m'a été recommandé récemment, lui aussi, par un ami bibliophile et écossais. Je l'en remercie ici à nouveau, tant la lecture de ce livre m'a passionné et m'a tenu en haleine ces derniers jours.

Quand j'habitais en Grande-Bretagne il y a quelques années, Atonement venait de sortir en paperback et était lu par absolument tout le monde dans le bus. Apparemment 500 000 copies ont été vendues dans le pays, ce qui est énorme. Alors moi, je me suis dit : encore un de ce bouquins à la mode que tout le monde lit, bla bla bla, effet marketing, bla bla bla, comme je suis plus intelligent que tout le monde, je ne vais pas le lire, histoire de faire mon intéressant. Et ben j'ai été bien con, car le livre est fantastique. En fait, tout simplement, cet attitude est super bête. J'en suis coupable, donc, parfois, et je connais - on connaît tous - plein de gens dont c'est le credo. Bon, eh bien à tous ceux qui se croient plus intelligents que la masse parce qu'ils ne lisent pas les livres à grand tirage, ou ne voient pas les films qui marchent, juste pour pouvoir dire qu'ils ne sont pas intéressés par ce qui intéresse plein de gens, je dit ceci :
1/ vous êtes des boulets
2/ une fois sur deux vous avez tort
3/ vous devriez quand même bien lire Atonement, en plus le buzz est passé, personne ne vous fera l'affront de croire que vous lisez ce que les autres lisent et vous en tiendra rigueur, rassurez-vous.
Atonement est donc fantastique, de ces livres qui vous font savoir pourquoi vous avez appris à lire. Trois personnages sont liés par un secret. Robbie, étudiant tout juste diplômé, qui cherche à repartir à la fac faire médecine, fils de femme de ménage qui rêve d'un vrai destin, d'une vie heureuse et fière. Cecilia, jeune fille de bonne famille secrète, intelligente, amoureuse; et Briony, peut-être l'un des plus beaux jeunes personnages de roman de ces dernières années, complexe, entière, mais entière dans son monde inventé, auto-persuadée par les créations son esprit hyperactif.
Je ne balancerai pas le twist, mais quelque chose enfle dans les 100 premières pages, qui sont le récit d'une journée ordinaire qui se terminera, bien entendu, par un événement qui va tout faire exploser. Les trois autres parties du livre, se situant des années plus tard, expliqueront la chaîne de conséquences que ce premier twist a entraîné, le malheur des uns, le remords des autres. Un peu à la manière de A Widow for One Year de John Irving, Atonement nous parle de la douleur de vouloir ce qui n'a pas été, de passer à côté de la vie qu'on aurait pu avoir, à cause d'un élément, d'un détail, d'une décision que l'on a, soi, jamais prise, mais dont on doit tout de même assumer les conséquences. Et c'est d'une immense tristesse. Ah oui, au fait, ça se déroule en 1935 et 1940, et la deuxième partie est un récit d'un moment de la Seconde guerre mondiale que l'on connaît mal, l'opération Dynamo, le retrait des troupes anglaises du Nord de la France après sa capitulation (de la France, pas de l'Angleterre). La tristesse du soldat dont les ordres sont de repartir et de laisser à eux-mêmes des villageois promis à l'occupation et aux exactions des Allemands ; le repli sur Dunkerque, sans gloire, tout ça est formidablement présenté. Atonement vous fera mal à la lecture, car ce livre est simplement le récit de l'impuissance.